Tit-coq

Production

Directeur de production Bernard Dagenais 
Conception des éclairages Bernard Dagenais 
Conception Vidéo Stéphane Godin, Sophie Thibault 
Aide au montage Lorraine Gagné, Thérèse Chassé, Bernard Dagenais, Alain fontaine
Manipulation du son et des éclairages Stéphane Godin
Vidéo Sophie Thibault
Régie de Plateau Janick Thibeault
Décors, Costumes et Accessoires Membres de la troupe 
Accueil Daniel Trudel, Marie-Rose Desjardins, Isabelle Fleming Martine Allard

Comédiens

Le Padre Alain Fontaine
Le Commandant Daniel Trudel
Tit-Coq Bernard Dagenais
Jean-Paul Desilels Pascal Barette
Le Père Desilels René Caron
La Mère Desilels Thérèse Chassé
Marie-Ânge Desilels Stéphanie Rioux-Wunder
La Tante Clara Lorraine Gagné
Germaine Valérie Jeannotte
Rosie Valérie Jeannotte

Extrait

Le Commandant :  Bon!  Puisque vous insistez, je tombe dans le panneau; mais ce que vous demandez là, Padre, c’est pas régulier, vous savez.

 

Padre :  Vous devriez me remercier; je vous donne la chance d’accomplir une bonne action.

 

Le Commandant :  Bonne action, bonne action… au telephone  Allô, sergent.  Envoyez-moi chez le Padre les deux gars aux arrêts qui attendent à la porte de mon bureau.  Tout de suite, hein ?... Merci.  Il raccroche  À titre de commandant, je dois corriger les hommes qui font un mauvais coup, pas les aider à se tirer d’affaire.

 

Padre :  Enfin, tout ce que je vous demande, c’est de les entendre ici.  Si vous le jugez à propos, vous les punirez ensuite à votre aise.

 

Le Commandant :  À chacun son métier.  Vous, au confessionnal, vous ête4s libre d’imposer la pénitence qui vous passe par la tête.  Mais moi, pour maintenir la discipline, j’irais pas loin avec trois dizaines de chapelet.  On cogne à la porte  Entrez! Jean-Paul et Tit-Coq entrent, saluent et se tiennent au garde-à-vous.)  Repos!  Mes amis, un rapport de la prévôté m’apprend votre exploit d’hier soir.  Si l’incident s’était passé à la caserne, je fermerais peut-être les yeux.  Mais vous vous êtes battus en public dans un café de la ville.  Les civils pourraient en déduire que vous êtes dans l’armée pour vous frotter les oreilles entre copains.  Comme c’est après-demain Noël et qu’il s’agit de votre première offense, je veux bien entendre votre version avant de sévir.  Vous devriez comparaître dans mon bureau, vous le savez; mais le Padre m’a presque supplié de vous voir ici, chez lui.  Il m’assure que l’un de vous deux est venu lui raconter l’aventure en rentrant hier soir… et que votre mauvaise conduite pourrait présenter des circonstances atténuantes… qui réclameraient une certaine discrétion.  Tout ça, c’est du mystère pour moi et j’ai hâte d’en connaître plus long.  Si vous avez quelques confidences à me faire, allez-y :  c’est le moment.  Lequel de vous deux a commencé la bataille ?

 

Tit-Coq :  Si c’est ça que vous voulez savoir, c’est moi qui ai fessé le premier.

 

Le Commandant :  Mais… comment en êtes-vous arrivés là ?

 

Tit-Coq :  Il est déjà venu se lamenter au Padre hier soir; il peut peut-être continuer.

 

Jean-Paul :  C’était pas l’idée de me lamenter.

 

Tit-Coq :  Seulement, donnez-y le temps :  il est pas vite.

 

Le Commandant :  Écoutez, les gars, recommencez pas à vous chamailler hein ?

 

Jean-Paul :  Ben… on étais partis ensemble du camp pour aller faire un tour en ville après souper.  Il dit :  ‘’Viens-tu prendre un coup au Monaco’’  Je dis :  ‘’D’accord!’’  En chemin, il entre dans un restaurant marchander un porte-cigarettes qui l’avait frappé dans la vitrine; moi, pendant ce temps-là, je me flirte une fille sur le trottoir.  Ça fait qu’on s’installe au Monaco…

 

Le Commandant :  Tous les trois!

 

Jean-Paul :  Oui.  Je paye quatre, cinq consommations à ma…

 

Tit-Coq :  …fiancée.

 

Jean-Paul : …à ma fille, de ma propre poche.  Tout d’un coup, il commence à lui tourner autour.  Et, la première chose que je sais, je suis assis devant eux autres et je les regarde se jouer dans les cheveux, je lui dis de cesser ça, mais il fait ni un ni deux, il saute sur moi et se met à me cogner la gueule.

 

Le Commandant :  C’est vrai ?

 

Tit-Coq :  Cent pour cent!

 

Le Commandant : Après tout, c’étais sa… conquête à lui.

 

Tit-Coq :  Ah!  C’est pas qu’elle m’affolait, elle, mais je dois vous dire qu’il est ben drôle à voir, lui, en train d’embobiner une fille; il a tellement peu le tour que c’en est choquant..  Ça fait que… j’ai été tenté de…

 

Le Commandant :  …de lui montrer comment s’y prendre ?

 

Tit-Coq :  Oui… mais il faut croire qu’il a pas aimé ça.

 

Jean-Paul :  C’était pas le moment!

 

Le Commandant :  Et vous lui avez donné des coups quand il vous a fait comprendre que… c’était pas le moment ?

 

Tit-Coq :  Tout juste!  Seulement, il oublie de vous dire comment il me l’a fait comprendre.  A Jean-Paul  Répète-le donc, qu’on s’amuse.  Envoye, envoye ; je vais t’en laissé la jouissance.

 

Jean-Paul :  Je lui ai dit :  ««Ôte-toi dans ma talle, petit maudit bâtard!»» 

 

Le Commandant :  Oui.  En somme, vous avez eu tort tous les deux…A Tit-Coq vous, de le frapper.. A Jean-Paul et vous, d’employer ce terme là, qui insultait non seulement votre copain, mais ses parents.  Avant de lancer une injure semblable, il vaut toujours mieux y regarder à deux fois.

Tit-Coq :  Surtout quand celui qui la reçoit en est un pour vrai.

 

Le Commandant :  Un quoi ?

 

Tit-Coq :  Un bâtard, oui!  C’est bête, mais c’est comme ça.  Cent pour cent.  Né à la crèche, de mère inconnue et de père du même poil!  Élevé à l’hospice jusqu’à ce que je m’en sauve à l’âge de quinze ans.  Je m’appelle Arthur St-Jean.  Le prénom, je me demande où les sœurs l’ont pêché, mais «St-Jean» vient du fait que j’ai été baptisé le jour de la St-Jean Baptiste.  Oui, je suis un enfant de l’amour, comme on dit.  Un petit maudit bâtard, si monsieur préfère.  Seulement, vu que c’est pas de ma faute, y a pas un enfant de chienne qui va me jeter ça à la face sans recevoir mon poing à la même place!

 

Le Commandant :  Vous le saviez, vous ?

 

Jean-Paul :  Qu’il en est un ?  Pas le moins du monde!  C’est ce que j’ai essayé de lui expliquer hier, mais il parlait et puis il cognait, pas moyen de placer un mot.  Moi, ma grande conscience, j’ai dit ça tout bonnement.  Comme toujours, quand je suis monté contre quelqu’un.

 

Tit-Coq :  Ça prouve que t’es un imbécile!

 

Le Commandant :  Il vous a offensé, je l’admets, mais vous avez peut-être été un peu prompt à vous servir de vos poings, vous.

 

Tit-Coq :  Ben, voyez-vous, j’ai appris jeune à régler mes comptes moi-même.  Les histoires de «je vas le dire à ma mère», avec moi, ça mène pas loin.

 

Le Commandant :  Il résulte de tout ça que vous avez échangé des coups en public.  Vous savez la punition pour un délit comme celui là ?  Une semaine de consigne.  Ce qui signifie, pour vous deux, le congé de Noël au camp.  C’est dommage!

 

Tit-Coq :  Ah oui, c’est dommage en maudit!  Quoique moi, personnellement, je m’en sacre.  Mieux que ça :  si vous voulez le savoir, ce congé là, j’aime autant le passer à la caserne.

 

Le Commandant :  Ah!  Oui ?

 

Tit-Coq :  Ah!  Sans blague!  Comme j’ai ni père, ni mère, ni oncles, ni tantes, ni cousins, ni cousines… connus, manquer une réunion de parents, moi, ça me laisse froid.

 

Le Commandant :  Évidemment…

 

Tit-Coq :  Les fêtes, c’est peut-être ben emballant pour vous autres les légitimes :  ça vous donne l’occasion de vous prendre en pain et de vous caresser d’un bout à l’autre de la province; mais, pour les gars de ma sorte, c’est plutôt tranquille.  On est pas mal tout seuls au coin de la rue, étant donné qu’à Noël, même les guidounes vont dans leurs familles.

 

Le Commandant :  De toute façon, qu’est-ce que vous comptiez faire demain soir ?

 

Tit-Coq :  Moi, d’habitude, je vas à la messe de minuit dans quelque chapelle pas chère.  Ensuite j’entre chez le Grec du coin et j’assois ma parenté au grand complet, moi compris, sur un seul et même tabouret.  Une fois le cure-dent dans la bouche, vers deux heures et demi, je vas m’étendre sur la couchette… et ça finit les réjouissances des Fêtes.

 

Le Commnadant :  Pour en revenir à la punition…

 

Tit-Coq :  En ce qui me concerne, soyez ben à l’aise : si votre conscience vous dit de me punir parce que j’ai donné un coup de poing à monsieur… parce qu’il m’avait traité de bâtard… parce que j’avais pincé la cuisse à sa blonde – qui était peut-être, sait-on jamais, une fille à tout le monde  _  allez-y, et sans rancune aucune!  On peut fumer ici ?  Bon!  Du moment qu’on me respecte, moi, je comprends le bon sens.

 

Le Commandant :  Vous aussi, ça vous amuserait de passer votre congé au camp ?

 

Jean-Paul :  Ben, voyez-vous… c’est probablement notre dernier Noël avant de traverser de l’autre bord.  Toute la famille va se réunir, sans compter que…

 

Tit-Coq :  Que voulez-vous ?  C’est pas donné à tous le monde d’être bâtard!

 

Le Commandant :  Oui…

 

Tit-Coq :  Tenez, faites donc une chose : lui, ça l’embête; moi, ça m’est égal; et après tout c’est moi qui ai commencé la chicane.  Alors laissez-le donc aller, lui, donnez-moi les deux punitions bout à bout et fourrez-moi dedans jusqu’aux Rois!

 

Le Commandant :  Non.  Vous êtes à blâmer tous les deux; si j’en punis un, je peux pas excuser l’autre.

 

Jean-Paul :  Écoutez, monsieur :  moi, au fond, je regrette ce que je lui ai dit.  Encore une fois, je voulais pas l’insulter.  Mais j’étais un peu éméché, et puis…

 

Le Commandant :  Jusque là, vous étiez de bons amis ?

 

Tit-Coq :  Ah!  On s’est jamais sauté au cou…

 

Jean-Paul :  … mais c’est la première fois qu’on se pète la gueule.

 

Le Padre :  Mon commandant, si celui qui a une famille avait la bonne idée d’inviter l’autre chez lui pour le congé des Fêtes, pourriez-vous accorder un sursis ?

 

Jean-Paul :  Ah! Moi je suis prêt à l’emmener.  Et il serait ben reçu à la maison!

 

Le Commandant :  Devant une telle preuve de bonne volonté, oui, je passerais peut-être l’éponge.  A Tit-Coq  Qu’est-ce que vous en dîtes, vous ?

 

Tit-Coq :  J’en dis que j’ai l’air bête.  Hier encore je lui cognais la fiole, et v’là qu’il m’invite à aller salir la vaisselle de sa mère!

 

Jean-Paul :  Bah!  c’est déjà oublié, ça.

 

Tit-Coq :  Il faudrait que je couche chez vous, je suppose ?

 

Jean-Paul :  Bien sûr!  Saint-Anicet, c’est à soixante-trois milles d’ici.

 

Tit-Coq :  Moi, ça me gêne, ces affaires là!  Les réunions de famille, j’en ai vu autant que de revenants.  Ça fait que l’étiquette puis les bonnes manières, moi…

 

Jean-Paul :  Ah ben!  Tu sais, les bonnes manières, dans la famille chez nous, on les a loin.

 

Le Commandant :  Allons, acceptez donc, qu’on en finisse!  Au lieu de vous garder rancune, vous apprendrez à mieux vous connaître.  Et des amis, une fois outre-mer, vous en aurez jamais trop.  Bon!  Le cas est réglé.

 

Jean-Paul :  Merci m’sieur!

 

Le Commandant :  C’est pas moi qu’il faut remercier, c’est le Padre… qui a mis son nez dans mes affaires encore une fois.

 

Jean-Paul :  Je vous remercie ben gros, Padre!

 

Le Padre :  Et toi ?

 

Tit-Coq :  Je vous dirai ça quand je reviendrai.